(Destiné aux éditions charentaises Le Croît Vif pour leurs 25 ans)

Breton en Aunis.

Les Bretons sont voyageurs, ils essaiment partout dans le monde, et aussi en Aunis. D'ailleurs à La Rochelle, les quartiers autour du vieux port ont longtemps été habités par des marins pêcheurs bretons et leurs familles.

Alors moi qui ne suis pas un marin pêcheur mais un breton des villes, comment donc suis-je arrivé aussi à La Rochelle ? Derrière nombre histoires d'homme, il y a souvent une femme. Et c'est une fille de La Rochelle que j'ai rencontrée, et que j'ai suivie jusqu'en Aunis.

La présentation à la famille a parfois été un choc. En particulier ces cousins agriculteurs du côté de Surgères qui pratiquaient encore une polyculture classique en 1970. Je rencontre donc la truie qui vient de mettre bas dans la soue, la volaille qui picore dans le verger, le chien qui renifle avec surprise mes mocassins de ville. Et j'accompagne aussi mes nouveaux cousins dans les prés pour aller chercher Marguerite et ses compagnes, les vaches laitières, et les ramener à l'étable. Rite initiatique d'appartenance à la famille, je me dois de participer à la traite manuelle sous les regards amusés.

Nous étions en août, et dans les vignes le raisin mûrissait en grappes dorées. Qui dit vigne, dit aussi chais, chais où nous entrons. Une dizaine de barriques bien alignées, avec la goutte de vin suspendue au robinet de bois. Il faut goûter celui-ci qui vient de la parcelle de la Mothe, et celui là mûri au Petit Breuil. Mais le meilleur est sans aucun doute celui de Boisse, à moins que ce ne soit celui de la Butte. Alors je goûte, je teste, je compare, dans le même verre bien culotté, coloré du tanin venu de plusieurs saisons.

Ma voix est devenue râpeuse, mais le verbe est encore clair. Alors, pour finir, il faut faire honneur au petit verre de cognac maison. Maintenant je suis adopté...

C'était il y a plus de quarante ans ! Les cousins ont pris leur retraite, la soue est déserte, l'étable est inhabitée et les fûts sont vides. Mais aujourd'hui, quand je retrouve les cousins, nous partageons une bouteille achetée au supermarché qui s'est installé à Boisse, sur la terre qui donnait le meilleur vin.

Michèle Torr dans la région, c'est l'occasion d'aller voir si elle est toujours aussi jeune ou bien si, comme moi, elle a pris de l'âge !

Sur scène elle parait toute jeune

De plus près, elle a acquis les quelques rides de la sagesse...

Un accueil amical. Nous avons parlé de sa carrière et de son dernier album "Chanter c'est prier"

Pour écouter notre entretien, cliquer ici

Nous en avons connu des salons depuis Angers jusqu'à La Rochelle en passant par Nogent, Madrid, Le Vésinet et Poitiers. Nous en avons connu des bonheurs et des fièvres d'enfants et de petits enfants. Et pourtant nous nous sentons toujours jeunes.

Une inquiétude cependant car nos hôtes, eux, prennent de l'âge, s'endorment parfois devant la télé,  et ont un peu de mal à se relever.

Une photo de nous sur Internet nous alerte. Voudrait-on se séparer de nous ?

Habillé d'un gros coussin de mousse dans sa coque en altuglas, je me rapproche de mon jumeau. Il ne faut pas nous séparer.

Clémence est venue, elle est tombée amoureuse de notre grand frère à trois places et projette de l'emmener avec elle.

Et nous ? Une rumeur évoquerait Emmaüs…

Clémence n'aurait pas assez de place chez elle ? Il faut lui faire les yeux doux. Elle nous mesure des pieds à la tête, d'un bras à l'autre. C'est vrai que dans notre famille Roset nous sommes bien  dodus. 

Clémence hésite, se recule, s'approche, vient s'asseoir. Je me fais le plus doux possible pour l'accueillir. Elle pose sa tête, allonge ses jambes, elle est bien. Je crois que nous avons gagné, elle ne va pas séparer la famille, elle nous emmènera tous les trois, elle trouvera de la place.

Pourtant Clémence est repartie seule. Nous sommes encore là, près de la cheminée, autour de la table basse.

Huit jours passent, tristes. Mais on sonne à la porte, c'est Clémence qui revient. J'aime bien son sourire. Elle revient nous voir, elle passe doucement sa main sur mon dos. Elle est décidée, elle nous adopte tous les trois ! Le camion est là, nous partons pour un nouveau voyage. Adieu La Rochelle, bonjour Niort.

La pièce est-elle plus petite ? Non, nous avons une belle place, d'autant plus que nous sommes les chouchous, et, pour nous laisser nous installer, la table qui trônait au centre se pousse contre le mur. Elle va nous en vouloir…  

Clémence est si contente qu'elle nous prend en photo pour adresser un souvenir à La Rochelle. 

La nouvelle vie s'annonce belle…

Avril 2012

Gros plan sur la marée haute à Chef de Baie

et le même jour à la même heure

Gros plan sur la marée basse à Chef de Baie